Le dossier paru dans l’édition du 12 novembre de Midi Libre pointe une nouvelle fois la question de l’inégalité d’accès aux soins. C’est un fait malheureusement connu : les déserts médicaux impactent des millions de Français, que ce soit dans le monde rural ou dans certains quartiers de grandes villes. Une récente étude de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) estime même qu’il est six fois plus difficile de consulter un médecin en milieu rural qu’en ville.

Une fois que l’on a fait ce triste constat, que faire ?
Supprimer le numerus clausus ? Cela prendra du temps avant de faire sentir ses effets, compte tenu de la durée de formation des médecins. Et puis, si la question du nombre de médecins est centrale, il ne faut pas oublier que leur répartition sur le territoire est déséquilibrée avec des zones sur-dotées. Par rapport à la moyenne nationale de 0,83 médecin généraliste (MG) pour 1.000 habitants, deux bassins de vie ruraux sur trois sont déficitaires (soit un manque de 3.388 MG) et, à l’inverse, des bassins de vie urbains sont excédentaires (au total de 2.266 MG), selon les données de l’étude.

Les incitations financières : primes, exonérations de cotisations… ? Elles ont été pointées par la Cour des Comptes et l’Assurance Maladie pour leur inefficacité, en raison de nombreux effets d’aubaine. Et puis réduire la question de l’installation à la seule question financière oublie les préoccupations autour de la qualité de vie.
Face à ces impasses, de plus en plus de voix s’élèvent pour proposer d’en finir avec la liberté d’installation des médecins libéraux. En gros, il s’agirait d’obliger les médecins, à l’issue de leurs études, à aller s’installer là où il y a un besoin. Comme c’est le cas pour les enseignants, les policiers et la plupart des fonctionnaires de l’Etat.
S’agissant d’un service public, je pense en effet que l’installation des médecins doit être régulée. Mais je ne suis pas (plus) favorable à une obligation « sèche ». En effet, quand on oblige un fonctionnaire (enseignant, policier…) à aller occuper un poste, il n’est pas seul. Il s’inscrit dans un collectif de travail. Il a des collègues, une hiérarchie sur qui s’appuyer. Et la collectivité lui fournit les moyens de travailler. Obliger un jeune médecin à aller s’installer seul dans un lieu inconnu, lui imposer d’investir dans un cabinet, du matériel ne me paraît pas juste.
C’est pourquoi l’encadrement de la liberté d’installation doit s’accompagner du salariat. Ainsi, à l’issue de leurs études, les jeunes devraient être tenus d’exercer pendant 5 ans comme salarié dans un centre public de santé. Ainsi, ils n’auraient pas d’investissement matériel à réaliser, ils s’inscriraient dans un collectif de travail, pourraient se concentrer sur la seule pratique médicale. Et il y a fort à parier qu’à l’issue des 5 ans, beaucoup choisiraient de rester !
Car les attentes des médecins changent. Et les centres publics répondent à ces nouvelles attentes : salariat, travail en équipe, possibilité de faire de la prévention, diversité des activités, horaires adaptés, pas de tâches administratives et de gestion de locaux….
Il faut se rendre à l’évidence. Aujourd’hui, c’est fini le médecin de famille qui passait sa vie au travail, que l’on pouvait appeler à toute heure du jour et de la nuit. Aujourd’hui, les médecins veulent concilier leur vie professionnelle avec leur vie de famille, avoir des loisirs, des vacances. Et c’est légitime !
Nous avons trop longtemps fait reposer un service public, la santé de proximité, sur la bonne volonté d’acteurs privés : les médecins libéraux (qui n’ont d’ailleurs de libéraux que le nom puisqu’ils sont payés par la Sécu). Aujourd’hui, il est temps de reconnaître que cela ne fonctionne plus, il faut que la puissance publique reprenne les choses en main.
L’époque de l’exercice solitaire et libéral de la médecine est révolue ! Le temps de la tarification à l’acte et de la liberté d’installation également. Mais avant de vouloir en finir avec la liberté d’installation, il faut créer un service public de santé de proximité, qui s’appuie sur un maillage territorial de centres de santé.
Et c’est là que les collectivités locales, avec l’appui de l’Etat, ont leur rôle à jouer. Les communes, bien sûr, comme nous l’avons fait à Capestang avec notre centre municipal de santé ouvert en 2016 et qui compte désormais 4 médecins et 3 secrétaires médicales.
Mais aussi et surtout les Départements, comme l’a fait la Saône et Loire avec un centre départemental de santé qui salarie une cinquantaine de médecins généralistes, réparti dans plusieurs antennes locales.
J’avais proposé la création d’une telle structure dans l’Hérault au moment de la campagne des départementales de 2021, mais pour l’instant cela n’a pas rencontré d’écho…
On peut, on doit agir dès aujourd’hui ! Pourquoi pas, par exemple, se saisir des difficultés rencontrées par la maternité de Ganges, menacée de fermeture, pour expérimenter une gestion publique de cette structure qui associerait les collectivités : intercommunalité, département, région…
Les élus doivent s’emparer de ces sujets qui sont des attentes fortes et quotidiennes de nos administrés. Depuis des années, nous mettons la poussière sous le tapis sans avoir le courage politique de prendre ces sujets à bras le corps, en espérant des solutions miracles qui viennent « d’en-haut » (numérus clausus, incitations financières…).
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